L’Assemblée Nationale a adopté, en première lecture, le 17 février 2010, le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (AN, texte n° 420).
Ce nouveau dispositif, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2011, offrira à tout entrepreneur individuel la possibilité d’affecter certains éléments de son patrimoine à son activité professionnelle et de se constituer un patrimoine professionnel distinct du patrimoine personnel, sans pour autant entrainer la création d’une personne morale. L’entrepreneur pourra ainsi limiter sa responsabilité et protéger son patrimoine privé puisque son patrimoine d’affectation répondra seul des dettes nées de son activité professionnelle.
Quelles sont les principales caractéristiques de l’EIRL ?
Le projet de loi s’adresse à tout entrepreneur individuel, qu’il soit artisan, commerçant ou professionnel libéral, y compris aux auto-entrepreneurs (art. L. 526-6).
La constitution du patrimoine d’affectation est simple : elle s’effectuera par simple déclaration accompagnée d’un état descriptif des biens, droits ou sûretés affectés à l’activité professionnelle en nature, qualité, quantité et valeur (art. L. 526-7). L’affectation d’un bien immobilier devra être faite par acte notarié et être publiée à la Conservation des Hypothèques (art. L. 526-8).
Si le patrimoine d’affectation comporte des biens communs ou indivis, l’entrepreneur devra justifier de l’information préalable et de l’accord exprès de son conjoint ou de ses co-indivisaires. Pour éviter toute confusion, un même bien indivis ne pourra entrer que dans la composition d’un seul patrimoine d’affectation (art. L. 526-10).
Pour assurer l’information des tiers, l’entrepreneur devra faire figurer sur tous ses documents professionnels la mention « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou les initiales « EIRL ».
Deux amendements sont venus modifier, sur des points importants, le projet de loi initial (art. L. 526-11) :
D’une part, la déclaration d’affectation produira ses effets à l’égard de tous les créanciers personnels et professionnels, même si leur créance est née antérieurement à l’enregistrement de la déclaration.
D’autre part, l’entrepreneur individuel pourra voir sa responsabilité engagée sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, en cas de fraude ou de manquement grave aux dispositions relatives à la composition du patrimoine d’affectation ou à l’obligation de tenue d’une comptabilité autonome.
Le projet de loi impose encore à l’EIRL de disposer d’un compte bancaire exclusivement dédié à l’activité professionnelle, de tenir une comptabilité autonome et de déposer des comptes annuels (art. L. 526-12 et 526-13).
Le régime fiscal de l’EIRL est aligné sur celui de l’EURL. Par défaut, les bénéfices réalisés seront assujettis à l’impôt sur le revenu (IR), mais peuvent être soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) sur option de l’entrepreneur.
Le régime social de l’EIRL varie selon le régime d’imposition. Si l’entrepreneur individuel est assujetti à l’IR, ses cotisations sociales seront calculées sur la totalité des revenus professionnels retenus pour le calcul de l’IR. S’il opte pour l’IS, les cotisations sociales seront dues sur la rémunération de l’entrepreneur, les bénéfices relevant, quant à eux, du régime des dividendes.
Ce nouveau texte va satisfaire de nombreux entrepreneurs individuels car il répond à un besoin légitime de protection du patrimoine privé et instaure un formalisme simple de création du patrimoine d’affectation.
On peut toutefois s’interroger sur l’opportunité de ce dispositif. En effet, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL, dont les règles de constitution et de fonctionnement ont été largement simplifiées, constituait déjà un outil efficace de limitation de la responsabilité de l’entrepreneur individuel.
Quelle sera également la capacité de crédit de l’EIRL ?
Si les biens affectés à l’activité sont insuffisants, le banquier prêteur sera tenté d’exiger un cautionnement solidaire du conjoint ou une garantie sur un bien personnel, ce qui rendra illusoire la séparation des patrimoines.
Comment s’assurer enfin du maintien de l’affectation des biens et de la valeur du patrimoine affecté à l’activité professionnelle qui constituent la garantie des créanciers de l’entrepreneur individuel ?
De la réponse à ces questions dépendra le succès futur de l’EIRL.